Écrire en amharique
Écrit par Rebecca Schmor
À propos de la langue amharique
L’amharique est l’une des langues les plus anciennes dans le monde et l’une des cinq langues officielles de l’Éthiopie. C’était la seule langue nationale officielle jusqu’en 2020, lorsque l’afar, l’oromo, le somali et le tigrinya ont reçu un statut officiel. L’amharique est actuellement parlé et appris par près de 60 millions de personnes en Éthiopie, avec quelques millions de locuteurs supplémentaires dans l’Érythrée voisine ainsi que les diasporas d’Amérique du Nord, d’Australie et d’Europe. L’amharique est également la langue liturgique de l’église orthodoxe éthiopienne et utilisée par la religion rastafari à travers le monde entier.
L’amharique appartient à la famille des langues afroasiatiques et est une langue sémitique. Contrairement à d’autres langues sémitiques telles que l’arabe, l’araméen ou l’hébreu, la langue amharique est écrite de gauche à droite. Son alphabet utilise le système d’écriture guèze ou ge‛ez et comporte 33 caractères, dont chacun a sept formes différentes. Des exemples de mots amhariques incluent ሰላም (selam) pour « bonjour » et አመሰግናለው (ameseginalew) pour dire « merci ».
Des mots amhariques intraduisibles
Comme toutes les langues, l’amharique est le produit de ses influences culturelles et historiques uniques. Avec sa longue histoire, la langue amharique a conservé plusieurs caractéristiques distinctives, y compris les mots suivants qui sont intraduisibles dans la plupart des autres langues.
ትዝታ (Tizita)
Ce mot décrit un sentiment doux-amer de souvenir d’un moment, d’une chose ou d’une personne du passé, ou de désir de les retrouver. Plus fort que la nostalgie, ce mot amharique unique est peut-être similaire à la « saudade » portugaise, dont le sens est également considéré comme extrêmement difficile à transmettre ou à traduire dans d’autres langues.
እሰይ (Issey)
Décrit comme une expression de « cheering fate »(destin applaudi), ce mot est utilisé pour désigner un sentiment d’intense satisfaction lorsque quelque chose de bon ou de mauvais se produit. Lorsqu’il est utilisé pour célébrer le malheur des autres, ce mot est similaire au « schadenfreude » allemand : un sentiment de plaisir dérivé de la douleur d’une autre personne.
አይዞሽ (Ayzosh) / አይዞህ (Ayzoh)
C’est un autre mot amharique qui est difficile à traduire, utilisé pour réconforter les autres dans la douleur émotionnelle ou physique. « Ayzosh » est la forme utilisée pour parler à une personne de sexe féminin, tandis que « Ayzoh » est utilisé pour une personne de sexe masculin. Traduire par quelque chose comme « sois fort(e) » ou « fais preuve de courage », le mot est utilisé pour dire aux gens de ne pas s’inquiéter ou que tout ira bien. Un équivalent proche dans une autre langue pourrait être trouvé dans les expressions italiennes comportant un seul mot « forza » (littéralement « force ») ou « coraggio » (signifiant « courage »).
እንትን (Intin)
C’est un mot de remplissage (ou mot tampon) amharique qui signifie aussi « la chose ». Il est utilisé lorsque quelqu’un rassemble ses pensées ou ne peut pas trouver le mot qu’il veut dire. Alors que la plupart des langues remplissent ces pauses avec un son comme « umm » ou « ehh », il y a d’autres langues qui, comme l’amharique, utilisent également un mot multisyllabique comme tampon. Au Mexique, le mot « este » est utilisé en espagnol, ce qui signifie « ceci ». Le mandarin, à la place, utilise le mot signifiant « cela », « 那个 » (prononcé nèige), pour remplir les pauses dans la conversation.
Vous voulez savoir comment vous pouvez utiliser ces mots amhariques « intraduisibles » dans une activité en classe? Continuez à lire ci-dessous.
Traduction de mots intraduisibles
Description
Cette activité invite les apprenants à identifier et à expliquer des mots « intraduisibles » dans différentes langues, tout en appliquant et en analysant des stratégies de communication pertinentes pour l’apprentissage des langues. L’activité est conçue pour les apprenants de l’anglais intermédiaire ou avancé, mais elle peut être adaptée à d’autres langues cibles ou niveaux de compétence par la traduction ou la modification des instructions et des ressources de l’activité.
Étapes
1. Faire un remue-méninges de mots « intraduisibles » (20 minutes)
Demandez aux apprenants de faire un remue-méninges (ou de chercher des exemples) de mots dans d’autres langues qui ne peuvent pas être facilement traduits dans la langue cible. Vous pouvez également fournir aux élèves des ressources telles que le moteur de recherche Eunoia ou des articles de blogue tels que :
- 20 amazing words that don’t exist in English — but really should (20 mots incroyables qui n’existent pas en anglais — mais qui le devraient)
- 12 Wörter aus aller Welt, die man nicht exakt übersetzen kann (12 mots d’ailleurs dans le monde qui ne peuvent pas être traduits directement)
- 20 palabras geniales que no tienen traducción (20 mots étonnants sans traduction)
- Les mots étrangers intraduisibles
2. Expliquer les mots « intraduisibles » (20 minutes)
Demandez aux apprenants de lire l’article de blogue « Découvrir les langues : des mots “intraduisibles” en amharique » et de remplir le reste du tableau ci-dessous, en ajoutant quelques mots issus du remue-méninges à l’étape 1.
Langue | Mot intraduisible | Signification en français | Signification dans d’autres langues? |
Amharique | ትዝታ (Tizita) | Un sentiment doux-amer de souvenir d’un moment, d’une chose ou d’une personne du passé, ou de désir de les retrouver, plus fort que la nostalgie | « Saudade » en portugais |
Amharique | እሰይ (Issey) | ||
Amharique | አይዞሽ (Ayzosh) / አይዞህ (Ayzoh) | ||
Amharique | እንትን (Intin) | ||
3. Analyser les stratégies de communication (20 minutes)
Prenez le tableau et, alors que les apprenants partagent la signification de leurs mots « intraduisibles », discutez de la façon dont ils ont expliqué ces mots dans la langue cible. Soulignez les exemples des stratégies de la paraphrase (p. ex., utiliser un synonyme proche comme « nostalgie » pour le mot « ትዝታ/Tizita »), de la reconceptualisation (p. ex., recourir à un groupe de mots comme « un sentiment doux-amer de souvenir ou de désir » pour décrire le mot unique « ትዝታ/Tizita ») ou de la substitution (p. ex., remplacer le mot amharique « ትዝታ/Tizita » par le mot portugais « saudade »). Demandez aux apprenants de réfléchir aux stratégies qu’ils utilisent déjà pour communiquer dans la langue cible et à celles qu’ils pourraient essayer d’utiliser à l’avenir.
Commentaire
Cette activité exige que les apprenants se réfèrent à des langues autres que la langue cible, tout en améliorant leur connaissance pratique des stratégies de communication à utiliser dans n’importe quelle langue. Elle intègre la connaissance non seulement d’autres langues que les élèves peuvent déjà connaître, mais aussi de celles qui ne leur sont pas familières. Cela peut encourager les élèves à reconnaître et à valoriser la diversité linguistique; à considérer les mots « intraduisibles » uniques comme faisant partie de une richesse – et non comme un problème ou un déficit – dans d’autres langues. Elle peut aider les élèves à réaliser que, en effet, tout peut être traduit, en utilisant différentes stratégies d’expression et en considérant comment les significations se transmettent à travers les cultures. À ce titre, cette activité soutient les approches linguistiques inclusives et plurilingues de l’enseignement des langues.
Lecture complémentaire
Littlemore, J. (2003). The communicative effectiveness of different types of communication strategy. System, 31(3), 331-347. DOI: 10.1016/S0346-251X(03)00046-0
Van Viegen, S., & Zappa-Hollman, S. (2020). Plurilingual pedagogies at the post-secondary level: Possibilities for intentional engagement with students’ diverse linguistic repertoires. Language, Culture and Curriculum, 33(2), 172-187.