Par Stephen Davis

De nombreuses familles multilingues nouvellement arrivées au Canada s’intéressent aux programmes d’immersion française (IF), mais il n’y a pas eu beaucoup d’enquêtes sur les expériences des élèves ayant des antécédents de réfugiés dans ces programmes. J’ai décidé de mener une étude pour répondre à la question suivante : Quelles sont les perspectives des éducateurs/éducatrices en ce qui a trait aux élèves ayant des antécédents de réfugiés dans les programmes d’IF des Prairies canadiennes? J’espère que les résultats permettront d’accroître l’inclusion et le soutien de ces élèves.

Contexte de l’étude

Huit conseils scolaires ont participé à cette étude, dont quatre en Saskatchewan, deux au Manitoba et deux en Alberta. Au total, 126 éducateurs/éducatrices ont répondu au sondage et 40 ont pris part à des entrevues. Les participant(e)s comprenaient des enseignant(e)s du primaire et du secondaire en IF, des directeurs(-trices) d’école en IF et des membres du personnel du bureau central. J’ai opté pour l’utilisation du terme « élèves ayant des antécédents de réfugiés » dans l’étude afin de souligner que les expériences de migration de ces élèves ne les définissent pas intégralement, mais ne constituent qu’une partie de leurs identités complexes et dynamiques.

Perspectives sur l’inclusion

Les éducateurs/éducatrices ont exprimé une conviction que les programmes d’IF devenaient de plus en plus diversifiés sur les plans culturel et linguistique. Plusieurs ont également indiqué qu’ils/elles avaient enseigné à des élèves ayant des antécédents de réfugiés de la République démocratique du Congo, du Soudan du Sud, de la Syrie et de l’Ukraine. Une majorité écrasante (93,7 %) des participant(e)s au sondage ont convenu que les parents ayant des antécédents de réfugiés devraient pouvoir choisir le programme d’études pour leurs enfants. Ce point de vue inclusif se reflète également dans des entrevues comme celle-ci :

Je pense que l’immersion française devrait accueillir tous nos élèves réfugiés, surtout ceux qui ont des antécédents de réfugiés, même s’ils ne sont pas d’origine francophone… Je ne pense pas que nous devrions fermer nos portes à quiconque! — Tammy, directrice d’école, Alberta

Certain(e)s participant(e)s avaient des opinions plus exclusives à l’égard des élèves ayant des antécédents de réfugiés. Par exemple, 25,5 % des participant(e)s au sondage ont indiqué que les éducateurs/éducatrices en IF devraient parfois prendre des décisions relatives à l’inscription pour les familles ayant des antécédents de réfugiés. De plus, certain(e)s participant(e)s ont mentionné des collègues qui croyaient que les programmes d’IF pourraient être inappropriés pour les élèves ayant des antécédents de réfugiés, y compris l’exemple suivant concernant un élève qui avait récemment migré de l’Ukraine :

Il y avait un collègue, et son élève est en 1re année, il venait de quitter l’Ukraine, après la guerre. Il se passe donc beaucoup de choses pour cet enfant. Pas la moindre notion d’anglais et l’élève est en IF. La perspective de l’enseignant était : « Cet enfant a traversé l’enfer. Papa n’est pas venu avec eux. Et maintenant, vous voulez les mettre dans une classe à Regina, en Saskatchewan, pour apprendre le français alors qu’ils n’ont pas la moindre notion d’anglais? » — Karen, professeure en IF, Saskatchewan

Certain(e)s éducateurs/éducatrices ont aussi déclaré que l’âge d’arrivée des élèves ayant des antécédents de réfugiés était un facteur clé de leur inclusion, discutant de la nécessité d’une entrée flexible pour ces apprenants. En résumé, la plupart des éducateurs/éducatrices ont indiqué que les élèves ayant des antécédents de réfugiés devraient être inclus dans les programmes d’IF, tandis que d’autres ont remis en question la pertinence de l’IF dans le contexte sociolinguistique à prédominance de l’anglais des Prairies canadiennes.

teacher and high school teenage students in classroom

Perspectives sur le soutien aux élèves

Les participant(e)s ont formellement convenu qu’il fallait davantage de soutien pour les élèves ayant des antécédents de réfugiés dans les programmes d’IF. Beaucoup de participant(e)s aux entrevues ont discuté de la nécessité de ressources de soutien plus importantes et d’un enseignement accru de l’anglais comme langue additionnelle (ALA).

Malheureusement, je constate que l’immersion est un peu négligée… Je dirais que dans les écoles à deux régimes pédagogiques, nous favorisons les enfants qui sont en anglais au détriment du soutien de l’anglais langue additionnelle, et même des besoins spéciaux. — Samantha, membre du personnel du bureau central, Alberta

Plusieurs administrateurs(-trices) ont demandé que soient offertes des occasions de perfectionnement professionnel axées spécifiquement sur le soutien aux élèves ayant des antécédents de réfugiés et aux apprenants nouvellement arrivés dans les programmes d’IF.

Dans mon monde idéal, si nous avions beaucoup de réfugiés et d’autres nouveaux arrivants qui s’inscrivent dans des programmes d’immersion française, il serait bien de faire un PP spécifique avec ces enseignant(e)s d’ALA. — Stella, membre du personnel du bureau central, Saskatchewan

Recommandations pour les conseils scolaires

En m’appuyant sur les perspectives des participant(e)s, je propose aux éducateurs/éducatrices et aux conseils scolaires cinq recommandations à mettre en œuvre dans les programmes d’IF partout au Canada. Celles-ci sont conçues pour mieux soutenir les élèves ayant des antécédents de réfugiés et les apprenants multilingues et pour favoriser leur plus large inclusion.

  1. Créer une politique inclusive dans les programmes d’IF pour assurer l’inclusion cohérente des élèves ayant des antécédents de réfugiés et des apprenants multilingues.
  2. Créer du matériel promotionnel multilingue pour l’IF afin de mieux inclure les élèves ayant des antécédents de réfugiés et les apprenants multilingues.
  3. Offrir un soutien accru dans les programmes d’IF afin que les apprenants ayant des antécédents de réfugiés et leurs familles reçoivent des ressources équivalentes à celles offertes dans les programmes d’anglais réguliers.
  4. Offrir divers programmes d’IF et permettre une entrée flexible pour les élèves ayant des antécédents de réfugiés et les apprenants multilingues nouvellement arrivés qui migrent au Canada à divers âges et niveaux scolaires.
  5. Offrir des occasions d’apprentissage professionnel dans les programmes d’IF conçues pour outiller les éducateurs/éducatrices en IF en vue d’un meilleur soutien des élèves ayant des antécédents de réfugiés.

Je souhaite que cette étude contribue à accroître la compréhension des perspectives des éducateurs/éducatrices concernant les élèves ayant des antécédents de réfugiés dans les programmes d’IF des Prairies canadiennes. Les éducateurs/éducatrices ainsi que les chercheur(e)s peuvent jouer un rôle essentiel dans la création de politiques et de ressources plus équitables afin de mieux inclure et soutenir les élèves ayant des antécédents de réfugiés dans les programmes d’IF partout au Canada.

Pour en savoir plus sur l’étude de Stephen, consultez le magazine Réflexions 43-1.

Stephen Davis est professeur adjoint au baccalauréat en éducation française au sein de la Faculté d’éducation de l’Université de Regina. Les recherches de Stephen explorent les programmes d’immersion française, l’éducation linguistique, l’idéologie linguistique, la politique linguistique, l’éducation des réfugiés, l’éducation inclusive et les pédagogies plurilingues.

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